Il s’agit ici de vous proposer des supports et des outils pour parler de la mort AVEC les enfants et les jeunes ou pour organiser un atelier philo en classe ou en famille.
Nous ne sommes pas plus sachant qu’eux et ils ont même beaucoup à nous apprendre sur ce sujet !
Croyez-en mon expérience en atelier philo.

N’attendons pas qu’ils soient confrontés au décès d’un proche pour en parler mais évoquons le sujet en observant la nature, en l’imaginant ensemble, en lisant des livres, à l’occasion d’un film ou en observant le monde et les différentes cultures…

Aborder le sujet par des angles différents permet de prendre du recul avec l’histoire personnelle, tout en étant concret.

Et parler de la mort est une excellente occasion de parler de la vie, de l’amour, de l’émerveillement et de tout ce qui nous rend heureux et vivant.

Le but n’est pas d’inquiéter les enfants et les jeunes mais de les accompagner dans la construction de leur propre représentation de la mort.
Les supports et les outils proposés sont à adapter en fonction de l’âge et de la sensibilité des enfants.

Nous pensons, en psychologie de l’enfant, qu’avant 7/8 ans, un enfant n’a pas conscience du caractère inéluctable de la mort. Il pressent surtout l’angoisse des adultes à ce sujet.

En observant la nature

Idéalement et dès le plus jeune âge, une belle façon d’en parler, avant qu’un décès ne survienne dans l’entourage, est d’observer la nature :

  • les graines qui germent et deviennent du blé,
  • les feuilles au printemps qui tombent à l’automne,
  • les fleurs qui fanent,
  • un oiseau tombé du nid que l’on peut recouvrir de fleurs…

La mort s’inscrit dans un cheminement, elle parle forcément de la vie, c’est une étape.

En imaginant la mort

Pour se familiariser avec la mort, vous pouvez aussi demander aux enfants : Comment imagines-tu la mort ?

Par exemple, en atelier individuel, un enfant ne se sent pas en sécurité dans sa vie puisqu’il sait qu’il peut mourir.
Il a accepté de me décrire comment il imagine la mort.

Les 5 continents de la mort :

– un continent vert : c’est la nature, il y a des animaux, de l’herbe, des fleurs et des humains heureux,

– un continent rouge qui longe la mer : c’est brûlé, il y a du feu et des cendres, il fait beau et chaud et il y a des créatures gentilles et méchantes,

– un continent rose : pour les humains amoureux,

– un continent bleu foncé en demi-cercle : il est couvert de glace, il neige tout le temps et il y a des bonhommes de neige vivants (ils sont gentils),

– un continent violet : c’est l’enfer, il y a des volcans, des démons, des créatures qui font peur et des zombies.

Victor, 8 ans

Et vous ? Comment imaginez-vous la mort ?

Ensuite, vous pouvez demander aux enfants :

  • Qu’est-ce que ça te fait dans le corps quand tu imagines la mort ? et dans ton cœur ?
  • Qu’est-ce que tu te dis ?
  • Comment vis-tu cela ?
  • De quoi as-tu peur ?

A ce moment-là, il est important d’écouter ce que ressentent les enfants et aussi d’échanger avec eux sur ce que nous ressentons. Nous pouvons parler de nos propres peurs. Ce partage honnête pourra les mettre en confiance et les sécurisera.

De cette manière, la pudeur des adolescents est respectée sans entretenir le tabou de la mort et du deuil.

Enfants et jeunes comprendront alors que pour nous aussi la mort est un mystère et lorsqu’elle surviendra, ils se sentiront moins seuls.

Lors de la perte d’un animal

La perte d’un animal domestique est un moyen d’appréhender la mort de manière très concrète pour un enfant ou un jeune.

C’est souvent la première occasion dans sa vie pour emprunter le chemin du deuil.

A ce moment là, écoutez-le et aidez-le à accueillir ses émotions.

En observant les autres cultures

Chaque culture a sa façon d’honorer les morts et les enfants et les jeunes pourront inventer la leur avec amour et ouverture.

Vous pouvez leur parler de :

  • La Toussaint : une occasion de fleurir les morts en France,
  • los Dias de los Muertos au Mexique : 3 jours de fête conviviale et joyeuse où les vivants partagent repas et musique sur les tombes des défunts,
  • Halloween : une fête amusante pour fêter les morts en se déguisant chez les anglophones,
  • le Dama : un défilé de masques au Mali où les âmes des défunts sont invitées à rejoindre celles de leurs ancêtres.

Avec des livres

Mes livres préférés utilisés en support lors des ateliers philo :

Supports pour parler de la mort avec les enfants
  • Anton et les rabat-joie : un album pour jouer à être mort (jusqu’à 8 ans)
  • J’attends mamy : un livre pour les plus petits, pour apprendre à vivre sans et parce que les dessins sont beaux et poétiques,
  • Bonjour Madame la mort : un album joyeux sur l’acceptation de la mort,
  • Odette : un album sur les souvenirs et sur la trace qu’on laisse,
  • La croûte ou Moi et Rien : pour les enfants qui ont perdu un parent et pour parler sans tabou de ce que ressent un enfant,
  • L’arbre sans fin de Claude Ponti : un conte sur le chemin du deuil d’une petite fille et sur l’arbre des générations,
  • Lili a peur de la mort : pour les enfants qui ont peur de leur propre mort (très peu de livre sur ce sujet) et pour toutes les propositions d’échange faites à la fin du livre.

Avec Le Petit Prince

Ce conte philosophique aborde le sujet de la mort dans le chapitre XXVI, elle est représentée par le serpent.

  • « Tu as du bon venin ? Tu es sûr de ne pas me faire souffrir longtemps ? » dit le Petit Prince au serpent la veille de son départ pour retourner sur sa planète,
  • « Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C’est trop lourd… Mais ce sera comme une écorce abandonnée. Ce n’est pas triste les vieilles écorces… » dit le Petit Prince à l’aviateur pour le consoler de son départ,
  • « Il n’y eu qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable. »

Mais avant de partir, le Petit Prince a offert un cadeau à l’aviateur :

« – Ah ! Petit bonhomme, petit bonhomme, j’aime entendre ce rire !

Justement ce sera mon cadeau… ce sera comme pour l’eau…

Que veux-tu dire ?

Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d’autres elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d’autres, qui sont savants, elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l’or. Mais toutes ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n’en a…

Que veux-tu dire ?

Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !

Et il rit encore.

Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir… Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leurs diras : « Oui, les étoiles ça me fait toujours rire ! » Et ils te croiront fou. Je t’aurai joué un bien vilain tour…

Et il rit encore.

Ce sera comme si je t’avais donné, au lieu d’étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire…

Et il rit encore.« 

Le Petit Prince – Antoine de Saint Exupéry

Avec des films

Films pour parler de la mort avec les enfants

Mes films préférés :

  • Le Roi Lion : pour parler du cycle de la vie,
  • Raiponce : pour parler du désir d’éternité,
  • Là Haut : pour parler de l’aventure de la vie,
  • Kung Fu Panda : pour parler de l’acceptation de la mort et de l’art de mourir,
  • Coco : pour parler d’une autre culture de la mort,
  • Vaiana : pour parler de la réincarnation.

Pour les adolescents :

The life of Death : lorsque la Mort tombe amoureuse de la Vie (conte animé muet)

Et que faire lorsque la mort survient ?

Les enfants et les jeunes ont deux besoins face à l’annonce de la mort d’un proche :

  1. le besoin d’attachement : ils ont besoin de présence (même sans les mots dans un premier temps), de connexion, de contacts physiques, de câlins pour apaiser leur chagrin,
  2. le besoin de se sentir utile : l’impuissance sur la mort déclenche le besoin de se connecter au pouvoir de vie, de trouver un moyen de se sentir utile, de pouvoir faire quelque chose.

Pour nourrir ce deuxième besoin, vous pouvez demander à l’enfant ou au jeune : qu’est-ce que tu veux faire pour… ?
un poème ? un dessin ? une fleur ? un jouet ? une affiche avec des photos ?

Ensuite, viendra le temps de l’écoute et de la parole simplement, honnêtement :

  • en écoutant l’enfant ou le jeune : qu’est-ce que tu te dis ? qu’est-ce que tu ressens ?
  • en utilisant des mots simples et vrais « il est mort, décédé, il ne respire plus, il ne vit plus… »
  • en parlant de ce qu’on ressent
  • en échangeant sur nos émotions
  • en l’aidant à accueillir ses émotions et à construire SA propre représentation

On échange, on partage et on peut toujours revenir sur ce qu’on a dit.

Pour les plus jeunes, vous pouvez proposer un jeu pour en parler : « on dirait que la maman (ou le papa) lapin est gravement malade… » et l’enfant décide de la suite.

Comment l’aider à accueillir sa colère face au deuil ?

Tout deuil passe par une phase de colère.

Vous pouvez accompagner les enfants et les adolescents à accueillir cette émotion, totalement normale.

Isabelle Filliozat propose un outil : la bagarre en famille pour libérer toutes les tensions ensemble plutôt que sur l’entourage.

« Les règles : ça se passe sur le lit. On ne blesse personne et on ne casse rien. ça dure tant qu’un des participants en a besoin (en général tout le monde a assez avec trois ou quatre minutes). Si quelqu’un se fait mal quand même, il a droit à faire une demande de réparation : un massage, un bisou, un mot gentil… On termine par un panier de chatons. On se roule dessus les uns les autres en ronronnant… les rires prennent vite le dessus !« 

Isabelle Filliozat

Le chemin du deuil

Faire son deuil prend du temps et plusieurs étapes ont été identifiées dans les nombreux livres de Elisabeth Kübler Ross :

  1. le choc : « ce n’est pas possible »
  2. la colère : « ce n’est pas juste »
  3. la négociation et la culpabilité « je donnerais n’importe quoi pour empêcher ça », « si j’avais fait autrement… »
  4. la tristesse et le vide
  5. l’acceptation, l’accueil de la réalité et la reconstruction

A son rythme, dans cet ordre ou dans un autre, l’enfant ou le jeune, traversera les étapes du deuil. Il trouvera en lui, avec votre soutien ou avec celui d’un professionnel, les ressources intérieures nécessaires pour transformer l’absence d’un être cher en une présence intérieure rassurante.

Les deuils nous enseignent aussi que la vie est précieuse et que l’amour reste.

Vous pouvez alors les encourager à s’interroger sur ce qui les rend vivants et sur la trace qu’ils veulent laisser.
Vous pouvez par exemple utiliser cette citation pour organiser un atelier philo :

« Ce qui vous rend heureux et confiant dans la vie, voilà votre réponse à la question de l’existence« 

Elisabeth Kübler Ross

Cet article a été inspiré par :

  • Isabelle Filliozat lors d’une intervention le 30/04/2020 dans le contexte de crise du Coronavirus,
  • les livres d’Elisabeth Kübler Ross,
  • les propositions d’albums d’Edwige Chirouter pour parler de la mort avec des albums jeunesses,
  • et évidemment par la richesse intérieure de tous les enfants avec qui j’ai pu en parler en atelier philo !

N’hésitez pas à nous faire part des autres supports ou outils que vous connaissez pour parler de la mort avec les enfants et les adolescents.

Je vous souhaite d’excellents échanges avec les enfants et les jeunes et prenez soin de vous.